Les Beaux-Frères

 

Scénette écrite pour l'anniversaire de ma cousine.

Jouée, co-écrite et co-montée avec des amis !! Que du bonheur!


Il est 20h30 en ce samedi 01 juillet. Catherine a convié tous ses amis et sa famille pour fêter un événement majeur de l’année 2017: Son anniversaire.

Ils sont tous là pour elle, une coupe à la main, le sourire aux lèvres et des plumes à la tête.

Soudain, les 3 coups retentissent, la musique s’élève et les regards des convives se tournent vers la terrasse.

Un homme séduisant, à la chevelure blonde se trouve sur le muret.

Esquivant quelques pas de danse, un gentleman au bonnet rouge le rejoint.

BENOIT : J'ai chaud, mais j'ai chaud ! Ce n’était peut-être pas l'idée du siècle ce bonnet rouge comme coiffure choc…

EMMANUEL (en aparte) : C'est plus moche que choc 

BENOIT : Pardon, répète j’entends rien avec la musique !

EMMANUEL (sourire hypocrite) : Je disais c'est plus chaud que choc

BENOIT : (Benoit acquiesce et utilise son bonnet pour s’éventer) : Dis donc, tu sais toi, qui a eu l'idée de ce thème, « tenue chic, coiffure choc » ?

EMMANUEL : Oui, j’t’exlique : À l’origine, on était parti sur "haut chic, bas choc" et ça c'était nickel: un bas résille, un short en cuir, des talons aiguilles et hop tout beau et même pas chaud ! 

BENOIT : Ah oui, bien aussi (Benoit prend un air songeur) moi j'avais mon p’tit short tyrolien qui aurait bien fait l’affaire… C’est dommage! 

EMMANUEL : (en aparté) Ou pas… (Emmanuel reprend un ton normal) : Mais bon tu connais Kate : avant de valider il y a eu discussion avec ses sœurs, avec la cousine, avec Marie-France, avec le reste du groupe, et puis re-les sœurs…. et finalement, Kate a décidé d'inverser le thème... Tu vas me dire, pour certains du coup, ça ne leur a pas coûté cher. J'dis ça j'dis rien, mais y'en a qui ont besoin de rien en termes de coiffure choc : Non mais t'as vu le frisé au fond?!

BENOIT : où ? (Benoit cherche dans la foule et Emmanuel pointe quelqu’un dans le public du menton) ah oui, (Benoit prend l’air surpris) mais ce n’est pas une perruque ?

EMMANUEL : Nooooooon ! mais regarde les tous !!… Elle ne voulait pas embellir ses invités Kate... sans déconner, t'as vu Madame perruque bleue là-bas ... et Monsieur chapeau melon...non mais RI-DI-CU-LE ! 

BENOIT : Oh t’exagères… c’est fun. Ça va faire des photos sympas. On s’est bien marré à l’arrivée avec la photographe et les accessoires!

EMMANUEL : Sympa, sympa… faut le dire vite ! La seule qui s’en sort bien c’est la photographe justement… Moi j’dis ça, j’dis rien, mais elle est maligne la Valérie…comme toujours : elle ne sera pas immortalisée avec sa bouée flamant rose, elle… T’as fait quoi toi comme pose ?

BENOIT : Moi j’ai fait Leonardo Di Caprio dans le Titanic ,(Benoit mime la pose) c’était trop bien… j’pense que ça va bien donner !

EMMANUEL : Tu veux dire Commandant Cousteau sur La Calypso ?!

BENOIT : Oh t’exagères ! et toi gros malin, t’as fait quoi ?

EMMANUEL : Moi j’ai fait Brice de Nice sur sa planche (Emmanuel fait le mouvement de « cassé »)

BENOIT (Benoit regarde Emmanuel songeur en essayant d’imaginer la pause) Ah oui, bien sûr : Cassé !! Ça te va bien tiens !

Bon, c’est pas tout ça mais j’ai faim moi ! j'espère que les petits fours ne vont pas tarder !

EMMANUEL : S’il y'en a ... J'dis ça j'dis rien mais la semaine dernière elle n’avait toujours pas de traiteur... 

BENOIT : Ah oui ? … oh je ne m’inquiète pas, j’ai vu Marie- France tout à l’heure ; y’aura au moins du hummus Bio et du pâté Végan !

EMMANUEL : Si tout le groupe est là, on aura aussi droit aux quiches sans lait, aux feuilletés sans gluten, aux gâteaux sans sucre et aux salades sans vinaigre !

BENOIT : Moi tant qu’ils laissent l’alcool dans le champagne JE-DIS-RIEN.

EMMANUEL : Oui t’as raison ! d’ailleurs, tu sais qu’on s’en sort bien. Heineken devait sponsoriser toute la soirée : Pompes à bière, verre à bières, chaises longues, tongs et bobs… ils fournissaient tout. Heureusement que le beau-frère, tu sais le marchand de vin, s’est insurgé : « c’est la bière… ou moi ! »… il a gagné !! enfin pour ce soir… demain midi, les paris sont ouverts…

BENOIT : Tu me raconteras car je vais rentrer tôt demain pour éviter les bouchons…12 heures pour venir, c’était beaucoup trop !

EMMANUEL : Mais cette idée d'organiser son anniversaire le 1er week-end de juillet : pas d'hôtel, les bouchons, des prix de dingues... j'dis ça, j’dis rien, mais elle ne pouvait pas faire sa fête avant ?!?!... Le jour de son anniversaire comme tout le monde ?!! Non mais j’ai cru que j’allais dormir au camping d’Olbia ! t’imagines, moi, sous une tente !!!!

BENOIT : Oui, même si c’est beau, ça fait quand même loin pour un week-end… Paris ça aurait été sympa aussi…

EMMANUEL : Mais entièrement d’accord : quel est le but de faire bouger tes 35 amis parisiens à 800 bornes...  Ça aurait été plus rapide d'acheter 3 ID-TGV au lyonnais, au toulousain et à la niçoise. J’dis ça j’dis rien mais une balade en barque sur le lac de Vincennes à 18h00 puis apéro dans son salon décoré avec 2 bambous, les tentures plage caraïbes et les bouées canards et c’était pareil !

BENOIT : En même temps je n’étais jamais venu mais c’est sympa cet endroit. Tu connaissais toi ? (Benoit prend l’accent anglais) Tu étais invité à la garden-party de sa sœur ? 

EMMANUEL : Non, non, pas convié.

Mais de ce que j’ai entendu dire, le thème c’était le Grand Bleu et ils ont tous fini à poil dans la piscine à la recherche de dauphins… Pffff, ces banquiers, ils ne savent plus quoi inventer…

Tu vas m’dire, quand j’ai reçu le faire part de Kate, genre secte du Soleil Levant, j’ai eu peur qu’on finisse en se tenant la main autour de la piscine en adoration des rayons UVB… (Emmanuel prend une voie dramatique) : « la secte de la presqu’ile de Giens » !!!

BENOIT : en parlant de secte, tu fais partie des chanceux qui restent la semaine prochaine toi?

EMMANUEL : Mais non (l’air surpris et déçu). Et pourtant j’ai tout fait : j’apporte une bouteille de champagne et du Pâté-croute à chaque fois qu’elle m’invite. J’me tape les abonnements du Rond-Point, de Chaillot et du Chatelet, et j’ai même gardé le chat de sa sœur… et rien, jamais invité ! je ne sais pas ce qu’y faut faire pour passer une semaine à Giens. Je vais peut-être me mettre au théâtre ? 

BENOIT : bonne idée. T’as vu sa pièce cette année ? pas mal hein ? tu sais leeesssss (Benoit cherche le nom), les belles doches, les beaux frères…ah oui je sais : les Bonnes-Sœurs. Un très beau rôle de composition pour Kate.

EMMANUEL : composition… c’est vite dit… Peut-on vraiment jouer la frustrée aigrie du 16eme sans un fond de vérité ? enfin moi j’dis ça, … tiens, quand on parle de frustrée…

NATHALIE : Ça va les garçons, vous vous amusez bien ?

EMMANUEL : Ouais, bien, bien (sourire hypocrite) Sympa ta perruque orange. Ça te va à ravir !!! et toi ? Alors, t’en penses quoi de la soirée de ta sœur ?

NATHALIE : Vous ne trouvez pas que ça manque un peu de bleu ??… Mais sinon faut bien l’admettre, elle a fait fort notre Cathy sur ce coup-là.

Le lieu et le champagne, y’a pas de mérite c’est du connu, c’est la famille ! Par contre, niveau service et petits fours elle a mis les petits plats dans les grands… Mais pourquoi je n’ai pas pris son traiteur moi, hein ?

Et puis ce thème, « bas chic, coiffure choc », j’étais pas convaincu au début mais ça rend super bien : on est tous classe et en même temps, tous un peu décalé. C’est tout Cathy ça ! j’aurai dû y penser pour ma fête.

Et ses amis, comme vous deux, là !! vous êtes tous géniaux, sympas, généreux, finalement à son image, quoi ! … ça t’es tranquille j’suis sûre qu’il n’y a pas une langue de pute dans votre groupe !

EMMANUEL (Emmanuel prend l’air stressé, les a-t-on entendu ?) : langue de pute, qu’est-ce que tu veux dire ?

NATHALIE : mais si tu sais les « gnagnagna », les (mimant les apostrophes) « j’dis ça j’dis rien » mais qui critiquent tout dans une soirée.  Langue de pute quoi !

EMMANUEL (soulagé) : Alors là, t’as bien raison, ici on est tranquille :

TOUS ENSEMBLE : Y-EN-A-PAS-UNE !

 

Elles sont nombreuses les raisons de réussir ou de rater sa soirée d’anniversaire. On les connait, on sait qu’elles existent mais elles n’apparaissent jamais aussi fortes et claires que lorsque Nathalie Fillet, Benoit Cordonnier et Emmanuel Roy, la troupe des Beaux-Frères, nous les livrent sur scène.

Dans cette pièce d’une extraordinaire intensité et peuplée de personnages cheminant sur le fil du rasoir, Axelle Besson et Sabine Cros, convoquant les angoisses et les tensions où s’abiment les fragiles relations que l’être humain tente d’entretenir avec ses semblables, transmuent magistralement le réel et le quotidien en authentiques paraboles métaphysiques.