Chatrantaine

Journal de confinement de Oguste et Olympe


Episode 1

Mais que fait-elle encore ici ? Il est 10h30 ; Télématin est fini depuis bien longtemps et elle n’a toujours pas fait sa toilette… Elle reste sur notre canapé et zappe frénétiquement. Elle qui ne regarde quasiment jamais les chaines d’information passe sa matinée dessus.

Je la savais versatile mais aujourd’hui, elle divague complètement : très stressée devant le journal, elle s’esclaffe à chaque fois que son téléphone vibre ; c’est-à-dire approximativement toutes les 10 minutes. Plus c’est absurde, plus elle rigole. Comment je le sais ? Parce qu’elle ne cesse de téléphoner à d’autres humains pour leur raconter. Ils semblent tous lézarder à la maison aujourd’hui…

Si notre humaine prend le temps d’observer toutes les vidéos et images qu’on lui transmet, elle n’a plus un instant pour nous : Chaque fois qu’Olympe va la voir pour jouer, elle a droit à un  «pas maintenant» agacé et si je miaule un peu fort, elle me demande de me taire et a même osé un « ta gueule Oguste » ! Non mais quel toupet ! Pour qui se prend-elle ?

Serait-elle malade ? En tout cas, une chose est sûre, l’estomac n’est pas atteint : elle se goinfre toute la journée ; nous aussi du coup ; quand c’est consommable par des chats bien sûr. 


Episode 2

Ouf elle s’est habillée et elle part ; on va enfin pouvoir se reposer. Elle est gentille et nous nourrit bien mais elle est un peu envahissante… Il faut dire qu’on vit dans 27m² ; pour deux chats c’est supportable ; avec une humaine en plus, beaucoup moins ; surtout elle ! Elle palabre énormément, avec tout et n’importe quoi : elle-même, le téléphone, l’ordinateur, les plantes, nous… Et elle ne perd jamais l’espoir qu’on lui réponde… De temps en temps je lui fais plaisir et je miaule un p’tit coup quand elle me pose une question.

- « Ca va mon Oguste, tu veux un câlin ? »

- «Miaow» qui veut dire «Non, éloigne-toi ! Je ne supporte plus ton odeur de savon».

Mais comme elle ne comprend aucunement mon langage châtié, elle s’installe à mes côtés et me caresse pendant 10 minutes. Elle est agaçante, ça fait trois jours que j’empeste Le Petit Marseillais. Car à priori, depuis dimanche, notre humaine est saisie d’un Toc : elle se savonne les mains autant de fois qu’elle regarde son téléphone…

La voilà déjà de retour, dégoulinante de sueur ; elle était juste partie courir ; notre espoir de journée silencieuse vient de s’évanouir. Ca ne rate pas, elle se précipite vers le lavabo et se nettoie les mains… Toquée je vous dis !

Et ça ne va pas en s’arrangeant : Olympe et moi la regardons maintenant décrasser tous les interrupteurs et les poignées de porte d’entrée, de frigidaire, de placard… Nous sommes en train de perdre notre humaine.

 

A 19h00, elle installe l’apéritif au salon. Fichtre, y-aurait-il du monde à la maison ce soir ? Je croyais toute l’espèce confinée ? Je déteste les gens, je les abhore. Alors que je me dirige vers le seul abris anti-humain de cet appartement, j’ai nommé le placard de la cuisine, je la vois s’installer sur notre canapé et se servir un verre de rosé. Etrange ; usuellement, elle ne s’abreuve jamais seule. Puis un très fort brouhaha envahit le salon. Olympe et moi nous approchons. La curiosité et l’odeur de charcuterie seront toujours plus puissantes que la peur. Mais quelle idée géniale : elle fait son apéritif en visioconférence ! J’ai droit au saucisson et aux Apéricubes mais pas aux humains qui vont avec ! Rrrrrrr J’adore ! A refaire le plus souvent possible ! Et je crois que notre humaine va être facile à convaincre.


Episode 3

Après 3 jours à fixer la télévision sans discontinuer ou presque, elle semble reprendre ses occupations professionnelles. En tous les cas ce matin, toilettée, habillée, coiffée (autant que faire ce peu…), j’ai bien cru que nous allions enfin reprendre un rythme normal et dormir toute la journée. Que Nenni ! La voilà qui me fait descendre de la table du salon pour installer son ordinateur. Elle travaille mais entre le réfrigérateur à portée de main, le téléphone à portée d’oreille et la télévision à portée de vue, c’est un peu compliqué pour notre humaine de rester concentrée. Soudainement elle se lève, dépose toutes ses affaires sur le canapé et…. Mais elle divague ou quoi ? Qui lui a permis de déménager MA table !!

Car cette table, qui n’est qu’un dépotoir pour notre humaine, est tout pour moi : mon poste d’observation, l’endroit où elle me brosse, me câline, où j’observe ce qu’elle nous cuisine… Bref, elle a déplacé dans la chambre, sans même me demander, le meuble le plus crucial de mon existence. Mais de quoi je me mêle ? Est-ce que je touche à ses affaires moi ?

Je me transforme en sirène d’alarme. Je m’assois à l’emplacement vide et je miaule, inlassablement. Elle tente plusieurs « Oguste tais-toi » mais rien ne m’arrête, je miaule ! elle est obligée de s’enfermer dans la chambre.

A la fin de la journée, elle va faire ses courses. Elle revient les bras chargés de victuailles. Elle range ce qu’elle peut dans la cuisine d’1m2 mais se trouve fort dépourvue, sans MA table, pour poser l’énorme chou-fleur qu’elle a acheté…

Pendant son Visio-Apéro, comme elle dit maintenant, elle tente de me faire taire en m’offrant de petits fragments de rillettes mais je tiens bon. Ses amies m’aident en se gaussant du chou-fleur qui trône sur la table basse. A la fin de l’appel, alors que je miaule toujours autant, elle me regarde et me dit « ça va Oguste, j’ai compris ».

 

Et là, miracle, elle rapatrie ma table au salon. Je saute dessus, je miaule « miaow » qui veut dire « alors il vient ce câlin ». Elle s’exécute. Elle est bien dressée mon humaine ! 


Episode 4

Quelle énergie ce matin. Alors que je somnole sur MA table, je la vois déplier la planche à repasser et l’installer dans la chambre. Au premier essai, la table est trop haute. Elle bidouille un savant montage à l’aide de deux bouts de fil d’acier et parvient ainsi à maintenir la planche à une hauteur assez basse pour en faire un merveilleux bureau. Je ne sais pas si je suis impressionné ou agacé ! Elle aurait pu y penser hier quand même, ça m’aurait évité tout ce désagrément !

Elle installe son ordi et son classeur ; ça a l’air confortable ! Il reste une place ensoleillée au bout ; je saute et m’y installe. Elle ronchonne :« ah non Oguste, vu le cirque d’hier, je ne veux pas te voir ici ». Je l’amadoue d’un coup de ronronnement Rrrrrrr. Elle a du boulot, elle se tait. C’est parti pour la sieste.

A 15h, l’interphone retentit. Mais qu’est-ce qu’elle n’a pas compris à « confinement » et « ne voir personne ». Je cours me réfugier dans l’abris anti-humain.

- « Olympe raconte-moi ce qui se passe. Je ne vois pas du placard de la cuisine

- Wesh wesh Oguste ; alors y’a un BG qui nous livre un gros cube. J’espère que c’est notre bouffe, j’ai la graille ! »

Ah les ados, c’est incompréhensible !

- « C’est trop l’Seum, c’est pas Zooplus… c’est un truc gris. Askip c’est un congélo…. La Daronne a l’air trop contente mais j’sais pas pourquoi : ça s’graille pas, ca joue pas, et ca rentre nulle part. Oguste vient vite, c’est Bagdad ici ! »

Effectivement, l’humaine joue aux chaises musicales avec le congélateur dans le salon et dans la chambre. Elle l’emmène même à la salle de bain et regarde notre bac à litière avec insistance. Je lui envoie un « Miaow » de tonton flingueur qui veut dire "je te préviens, si tu touches à MON bac je lamine ton stock de papier toilette... Aux quatre coins d’Paris qu’on va l’retrouver, éparpillé par petits bouts façon puzzle. Moi quand on m’en fait trop, j’correctionne plus : j’dynamite, j’disperse et j’ventile !" 

 

J’ai touché un point très sensible! Elle repart au salon avec son cube de 50cm² qui finit où ? Sous MA table évidemment ! 


« Nous sommes en guerre… Tout sera mis en œuvre ; quoiqu’il en coute… » Il est clair qu’elle n’a retenu que ce qu’elle voulait du discours du chef des humains : il est 9h et elle a déjà ramené 4 sacs de courses… elle a donc tout mis en œuvre pour dépenser son salaire en victuailles…

- « Wesh, elle a ramené de la graille pour un mois la Daronne !

- Ton langage Olympe ! Mais tu as raison, nous n’allons pas mourir de faim : elle a acheté tout le stock de porc effiloché de Picard, miam ! »

L’humaine pratique son rituel du Petit Marseillais, range rapidement les produits dans son nouveau congélateur, et la voilà qui se remet à bouger les meubles ; un nouveau TOC ?!

Après avoir poussé la table basse, elle déplie un tapis de sol et place son ordinateur en bout. Elle dépose un dictionnaire sur le tapis, s’assoit dessus et commence une visio sans apéro… c’est une première !

Qu’est-ce qu’elle est encore en train d’inventer ? Elle ferme les yeux, et respire très fort pendant 10 minutes pendant que des mots incompréhensibles sortent de l’ordinateur : Namasté, lotus, inhale, exhale, …

- « Oguste, je crois qu’elle fissure la Daronne ?

- Langage Olympe ! Non elle n’est pas folle ; enfin pas encore… »

L’humaine se met en mouvement ; son corps forme une sorte de pyramide ayant pour sommet ses fesses. Elle s’agite puis elle se positionne à quatre pattes et fait le dos rond, le dos creux, le dos rond, le dos creux. Elle recule ensuite ses pieds jusqu’à avoir les jambes tendues parallèles au sol ; elle prend appui sur ses bras, bombe le torse et regarde au plafond, fière comme un … Oh fichtre, j’ai compris !

- « Oympe j’ai découvert ce qu’elle essaie de faire : l’humaine tente de devenir un chat…

- C’est baaaad…. »

Elle a raison, Comment est-ce possible d’être si peu souple ? et la grâce… On en parle de la grâce ?! … N’est pas chat qui veut Diantre !

Je lui lance un « Miaow » qui veut dire « écarte-toi un peu, je vais te montrer ». Je m’installe à côté d’elle et lui fais une démonstration de torsion.

« File Oguste, j’ai pas besoin de toi pendant mon Yoga ! » me dit l’humaine en m’éjectant du tapis.

Quelle mauvaise perdante…


« Miaow, Miaow, Miaow » ; ce matin, je revisite la comptine du cerf : « Dans sa maison une humaine regardait, par la fenêtre, un matou venir à elle et miauler ainsi : humaine, humaine, ouvre-moi ou le matou te griffera. Matou Matou, rentre et viens me faire un câlin ! »

- « Arrête de miauler, tu me fatigues ! Ça fait trois fois que je t’ouvre cette fenêtre en 10 minutes ! »

L’humaine est irascible ces derniers jours. Elle devrait venir prendre l’air avec moi, ça lui ferait du bien. Mais bon, vu sa souplesse, je ne suis pas sûr qu’elle atteigne la rambarde et surtout qu’elle y tienne en équilibre accroupi.

Je saute et m’installe ; elle retourne s’asseoir à sa table à travailler. A peine 5 minutes se sont écoulées qu’elle ferme le battant. Aussitôt je me place devant, je gratte et je miaule ; je ne supporte pas quand c’est fermé. C’est dingue qu’elle ne comprenne pas : ça fait trois fois que je lui dis en 10 minutes !

Elle ouvre la fenêtre, se penche dehors et frissonne. Je lui fais un câlin de la tête et lui lance un « Miaow » encourageant pour lui dire « mets une fourrure plus épaisse et rejoins-moi ».

On habite au 3ème sur cour. C’est très calme depuis deux semaines ; les humains du quartier se sont exilés à la campagne. Du coup, les oiseaux sont venus se réfugier dans leur jardin ! Un gros merle me fait de l’oeil…S’il passe à portée de patte, je vais le grailler comme dirait Olympe ! Alors que je surveille l’oiseau dodu qui s’est installé sur la corniche de l’immeuble d’en face, l’humaine en profite pour refermer la fenêtre. Elle est pénible, elle a fait fuir le merle ! ; je me lève, je miaule et je gratte.

- « Ouh si tu m’agaces ! je vais te jeter par la fenêtre si tu continues » dit-elle en me forçant à rentrer.

A peine 15 jours chez moi et l’humaine me menace déjà. Je lui lance un « Miaow » de Robert de Niro : « c’est à moi que tu parles ? c’est à moi que tu parles ? »

Vu sa situation actuelle, elle devrait quand même être en mesure de comprendre ma démarche : quand tu es confiné chez toi, tu veux être à l’extérieur et quand tu peux sortir, tu préfèrerais être chez toi ; simple non ?!

Alors on la laisse entrouverte cette fenêtre ?!

 


- « Ça va doudou ? » me demande l’humaine en me photographiant.

Je me demande vraiment pourquoi elle m’a donné un prénom vu qu’elle ne l’utilise jamais… Doudou, doux, chatmousse, mon canard, écureuil, plumeau, nounouille même… Tous les sobriquets les plus stupides y passent. Il existe pourtant d’autres possibilités, un tant soit peu plus recherchées, qui devraient lui venir spontanément aux lèvres en me voyant, telles que sa Majesté, mon Roi, ou simplement le Chat.

- « Tu viens jouer avec nous, Doux ?

- Non ! Sa Majesté veut dormir ; sa Majesté veut du calme ; sa Majesté veut que tu disparaisses!

- Wesh, t’as fissuré Oguste, tu parles de toi à la 3ème personne ? Allez, viens jouer avec la Daronne, elle va nous lancer des boulettes, c’est archi lourd !

- Langage Olympe ; c’est agaçant cette volonté de se démarquer en changeant la définition même des mots. Pour ton information, « c’est lourd » veut dire que c’est pesant, donc ennuyeux ; c’est un non-sens que de l’utiliser pour dire que c’est bien !

- Wesh, t’es rageux aujourd’hui sa Majesté…

- C’est la paparazzi ; elle m’agace à nous poursuivre avec son appareil ! »

Car, depuis qu’elle est confinée, notre humaine s’est pris d’une passion pour la photo. Tout y passe : du plutôt artistique, genre l’amaryllis qui s’ouvre ou ses pieds au soleil sur la balustrade, au complètement stupide tels que les gens en visioconférence sur son ordinateur ou les courses rangées dans son congélateur…

Et puis il y a ses deux sujets de prédilection. Ce qu’elle cuisine d’abord. On ne compte plus les photos de blanquette de veau, de crêpe complète façon Josselin, d’aubergines à la parmesane trop cuites, de nachos à 3000 calories et de bouteilles de rosé terminées…

Son deuxième sujet favori, et honnêtement elle frise l’obsession, c’est nous : Olympe attrape la boulette en vol, Oguste dort, Olympe grimpe sur le congélateur, Oguste fait du Yoga,… Fichtre, si on faisait la cuisine, je ne vous raconte pas les clichés qu’elle prendrait !

La question qui reste en suspens, et je ne trouve aucune réponse, c’est à qui envoie-t-elle ces clichés depuis 3 semaines ? Ça intéresse vraiment quelqu’un nos vies de confinés ?

 


Fichtre, il est 20h17 et nous n’avons toujours pas mangé. En revanche, c’est le 3ème chocolat que l’humaine engloutit en moins de 10 minutes sans avoir dîné et je ne parle pas des verres de rosé. Mais de qui se moque-t-on ?

- « Wesh, on est en train de se faire carotter Oguste. Elle ne nous a pas filé à grailler la Darone.

- Je sais Olympe mais à chaque fois que je lui fais remarquer, elle me parle de Pâques ».

J’apostrophe une nouvelle fois l’humaine d’un « Miaow » de Carlos qui veut dire « Mais qu’est-ce que tu fais doudou dis-donc ? »

En avalant son 4ième praliné elle me répond « C’est pas bon pour toi les chocolats ; joyeuses Pâques mon Oguste ».

Comme je manifeste fortement mon mécontentement, elle finit par se lever et, tout en continuant sa 2ème visio-apero de la soirée, par nous donner nos croquettes.

Mais qu’est-ce qu’il lui arrive ? Dernièrement, elle a beaucoup de mal à se conformer à ses règles de vie et ça nous impacte de plus en plus.

 

En temps normal, notre humaine tente de respecter ces 3 principes :

1) Ne jamais boire seule

2) Eviter d’acheter des gâteaux ou du chocolat

3) Faire du sport tous les 2 ou 3 jours max.

 

Je trouve sain qu’elle s’impose des règles comme ça. Olympe et moi en avons deux, très simples et nous n’y dérogeons jamais :

1) Ne pas être dérangés par l’humaine quand nous dormons ;

2) Accaparer son attention pour jouer, manger et être câlinés quand nous le voulons.

Mais contrairement à nous, ce que notre humaine préfère dans les règles de vie, c’est de les enfreindre…

 

Pour surmonter le confinement, elle a déjà fortement reconsidéré ses 3 principes qui sont devenus :

1bis) Ne pas boire plus de 2 verres pendant la visio-apéro ;

2bis) manger 2 chocolats maximum par repas ;

3bis) faire un tour de la table basse à chaque appel téléphonique.

 

Mais ce week-end de Pâques, tout part à vau-l’eau ; il est maintenant 21h37 ; elle raccroche de son 3ème visio-apéro, après avoir passé 3 heures dans son canapé, en buvant une bouteille de rosé et en dinant d’une boite de chocolats …

- « Les chatons, je crois que je suis bourrée. Je vous donne à manger et je vais me coucher.

- MDR Oguste, c’est hypra lourd ! elle a oublié qu’elle nous a déjà nourri !

- Chut Olympe, l’humaine pourrait t’entendre ! profite et Joyeuses Pâques comme elle dit! »


Episode 9

Je n’en peux plus de notre humaine ; elle ne cesse de parler : café du matin, déjeuner, café du midi, apéro, travail même ! Tout est source de visioconférences bruyantes. J’attends l’allocution du chef des humains avec impatience car, pour moi, c’est très simple : ou il me la déconfine ou je sors.

 

Le chef a parlé ; il annonce que nous restons confinés un mois de plus… Impossible ! C’est décidé je fais une grève de… la faim ? non trop dur ; la soif ? non il fait trop chaud. Ça y est, je sais : j’arrête d’uriner jusqu’à ce que mort s’en suive. Façon de parler bien sûr ; je compte sur l’humaine pour m’emmener chez le docteur avant.

Heureusement, elle est bruyante mais attentive : il lui faut moins d’une matinée pour remarquer que je suis mal en point. En même temps dans 27 m², elle ne peut pas vraiment ignorer nos allers et venues à la caisse… Un appel au vétérinaire plus tard, me voilà dans mon sac de voyage pendant qu’elle prépare son attestation.

- « Wesh Oguste, t’es bad pour de vrai ou pour de faux ?

- un peu des deux. Si tu veux venir prendre l’air, fais comme moi.

- non t’as vrillé j’ai la flemme ! je ne me mets pas en PLS. Je reste jouer à la boulette.

- langage Olympe ! ok on se voit bientôt ! »

 

Je vous passerai les détails de mon intimité mais la grève du pipi, c’est pas une très bonne idée. Traitement choc sur place puis 10 jours de médicaments … c’est cher payé les 5 heures passées au calme chez le vétérinaire. A ce tarif-là, il aurait quand même pu me garder toute une nuit !

 

La peur a calmé mon humaine. Je crois que le vétérinaire m’a aidé. Il lui a dit que le stress était sans doute en cause. Inquiète, elle parle moins et est très attentive à mes 4 volontés. Je crois même qu’elle a annulé un visio-apéro our moi. Si c’est pas du dévouement ça !


- « Oguste, Doudou, sors ! Tu ne vas pas rester dans le placard de la cuisine toute la soirée.

- Miaow, c’est très simple Humaine : je resterai dans mon abri tant que tu insisteras pour que j’en sorte. J’en ai soupé de faire l’hermine pour toi».

 

Ce samedi avait pourtant bien commencé : petit déjeuner en musique, séance de yoga, elle avait ensuite cuisiné un poulet biryani qu’elle avait gentiment partagé avec nous. Puis, alors que nous commencions notre sieste de l’après-midi, elle s’est relevée et a crié triomphalement

- « Ca y est mon Doux ! J’ai trouvé notre tableau ! ».

S’ensuivit une transformation pour le moins surprenante de notre Humaine. Les habits d’abord : elle a enfilé une robe framboise sans enlever son pantalon puis a juxtaposé un t-shirt bleu aux manches décousues… Ce n’est pourtant pas son genre l’excentricité.

Ensuite, elle a plaqué ses cheveux des deux côtés d’une raie centrale très marquée et les a retenus par un horrible élastique noir… Cerise sur le gâteau, une ligne marron a fait son apparition sur son front. Il faut vraiment que son salon de coiffure réouvre vite !

 

Dans sa tenue d’apparat, l’Humaine a ensuite transformé le salon en studio photo. Elle m’a alors saisi et m’a obligé à la suivre dans une drôle de danse : Déclencher l’appareil photo, s’asseoir et prendre la pause, se lever pour examiner le résultat, recommencer.

- « Miaow de Danse avec les stars : Sur un tango cahotant on retrouve l’humaine et votre serviteur… »

J’ai mal au cœur tant elle me secoue : sur l’épaule, sur le bras, a gauche, plus haut… Et ça, j’achète pas du tout…

A chaque essai, un petit commentaire :

- « mince, je ne penche pas la tête du bon côté… On ne voit pas mes mains dans ta fourrure… L’hermine est plus haute en fait … Je regarde pas au bon endroit… Oguste j’étais nickel pourquoi tu as tourné la tête ? »

 

Alors quand elle a dit « Doux, je crois qu’on la tient» et qu’elle a un peu baissé sa garde, j’ai pris mes pattes à mon cou et je me suis réfugié dans mon abri anti-humain.

La peur au ventre, j’attends le prochain challenge à l’abri… Après le vernis à ongle et le Getty museum que va-t-elle inventer ?


- Oguste il est quelle heure ?

- Très tôt Olympe !

- Miaow de Pierrot le fou : qu’est-ce que je peux faire, j’sais pas quoi faire ?

- Parfait langage Olympe, Bravo ! Pour te récompenser, veux-tu jouer à « on réveille l’humaine »

- Wesh, trop bad ! je vais mordiller les pieds qui dépassent !

- D’accord, je me charge de lui marcher sur la main qui traine. Tu te souviens de ce que tu as à faire quand tu atteins son visage ?

- Wesh : j’attaque les coups de tête et je la chatouille avec mes moustaches…. Oguste pourquoi elle bronche pas ?

- Notre humaine a peut-être trop festoyé hier soir… ou il est vraiment trop tôt. Attends, je traverse sur le haut du thorax, mon pelage devrait lui gratouiller les narines ; attention Olympe, elle bouge.

- Hhhhhhmmmmm ; Doudou dodo mmmmmm

- Wesh la Daronne elle est nase, on la laisse pieuter ?

- Foutaise, nous insistons ! Surtout que le plus gros du travail est fait. Non, tu vas aller t’installer sur son abdomen et fixer l’humaine jusqu’à ce qu’elle ouvre les yeux. Elle commence à bouger ; fais les yeux doux, ronronne et écoute-la maintenant

- Mmmm, c’est trop tôt Doudou, il fait nuit…Olympe ?? non mais je rêve ! Il n’y a pas moyen de te porter mais tu m’escalades à 5h du matin… Tu veux un p’tit câlin Doucette ?

- Bingo Olympe ! je te rejoins pour profiter également des cinq minutes de câlins et nous passerons à la phase 2.

- Wesh, celle où elle se dépieute et nous file à grailler ?

 - Exactement ! Pour arriver à nos fins, nous devons miauler, beaucoup, et commencer nos courses poursuites sur le lit en ne l’évitant surtout pas ! Nous allons jouer à chat, à chat-perché et à saute-mouton avec pour seul décor ce lit et notre humaine. Si nous la piétinons assez, elle se débarrassera de nous en nous donnant à manger ! Tu es prête pour la phase 2 ?

- A chabordage !


- «Oguste elle est où la Daronne ?

- Je ne sais pas Olympe, mais profite du calme, on ne sait pas combien de temps ça va durer!

- Askip le chef des humains leur a donné le droit de retravailler. Tu crois qu’elle y est retournée sans nous demander la permission ?!

- Je ne sais pas et je m’en fiche ! J’avais oublié comme ce canapé était confortable ; avec elle dedans toute la journée, il n’y avait plus un cm pour nous. Ça fait du bien de s’étendre de tous ses coussinets.

- J’y pense, qui nous fait à grailler ce midi si elle ne rentre pas ? toi ?

- Diantre non !  Elle a dû remettre les distributeurs de croquettes en route.

- C’est bad les croquettes, je veux son byriani au poulet, ses boulettes thai, sa blanquette de veau, ses hot-dog à la courgette… Oguste il faut que l’humaine revienne !

- Petite Olympe, il me semble que ton estomac vide te fait extravaguer. Pense plutôt à tout ce qui ne te manque pas : les cours de sport au milieu du salon, son bavardage incessant au téléphone ou en visioconférence, les challenges du dimanche, les séances de déguisement, les milliards de photos, les 100 pas autour de la table basse… non on a beaucoup à gagner par son absence !

- Wesh la daronne elle va avoir le blues de n’pas nous voir non ? Qui va la cajoler, qui va jouer à la boulette avec elle?

-  Saperlipopette ! Elle te manque en fait ! Où est passée la chatonne sauvage qui se cachait derrière la machine à laver dès que l’humaine se levait du canapé ! Ce confinement t’a rendue docile Olympe !

- Grave pas.  C’est juste que je me demande ce qui l’attire tant hors de cet appartement… Tu sais ce qu’elle fait toi quand elle part au travail ?

- Au vu de son odeur quand elle rentre, je devine qu’elle voit d’autres humains, qu’elle boit du café et mange des gâteaux fréquemment. De ce que j’ai vu ici pendant 2 mois, elle fait des calculs, elle écrit des textes et elle parle à son ordinateur qui ne lui répond jamais.

- Wesh elle doit être contrainte et forcée par un pouvoir supérieur au nôtre pour préférer ça à une journée avec nous ?

- Miaow de O Brother « est fou celui qui cherche la logique au fond de l’âme humaine »… »

 

Fin