Grains de sel

Les radis

"Shric, Shrac, Plouf" ; "Shric, Shrac, Plouf" ; "Shric": couper les radicelles blanches qui finiront à la poubelle, "Shrac": éliminer les fanes vertes qui termineront en soupe ou en pistou, "plouf": rincer les légumes pour les débarrasser du sable. Simple et répétitive, la préparation du radis est un acte méditatif par excellence.

Une fois lavés, vite, vite, vite : “🎵 Il faut man man man man man manger les radis "crr crr" avant que ce soit "crr crr", les radis qui vous mangent "crr crr".

Majoritairement consommés à la croque au sel, ils égayent également nos salades. Les poêlées ou gratins de radis sont plus rares mais tout aussi délicieux.

Faciles à sculpter, ils décorent aussi nos assiettes ; des chefs-d’œuvre religieux et laïques confectionnés à base de radis sont ainsi présentés chaque année à Oaxaca au Mexique pendant la nuit des radis.

Originaires de Chine et déjà consommés depuis plus de 3000 ans par les égyptiens puis par les grecs et les romains, c’est ce sacré Charlemagne qui a eu cette idée folle de recommander leur culture dans les années 800!

Son nom radis vient de « Radix » qui signifie racine en latin. Il est de la famille des Brassicacées. Quand le radis a eu soif ou a été cueilli trop tôt, il devient creux et piquant. La similitude avec son cousin le raifort est alors frappante !

De par sa couleur, la rapidité à laquelle il pousse et sa forme, le radis est souvent utilisé symboliquement.

Il fut l’offrande préférée d’Apollon pour les Grecs ou de Ganesh pour les hindous.

Est-ce que l’un d’eux, à court d’offrande, s’est un jour écrié « Je n’ai plus un radis »?! D’après les historiens, l’explication de cette expression est plus prosaïque : La forme ronde du radis rappellerait celle du sou, la pièce jaune du 19ème siècle…

Si je n’ai parfois pas un radis, que je suis très occasionnellement creuse comme un radis, j’ai par contre souvent été habillée comme un radis, expression familiale chère à mon cœur : il suffit d’avoir un haut fuchsia et un bas vert, ou inversement, pour être désigné ainsi.

Quant à ses autres connotations, je laisse à Brassens le soin de vous expliquer que « 🎵 Les radis mènent en Paradis ».

 

Aquarelle @Odile Alliet 2010


Ail, Ail, Ail

« 🎵 Déshabillez l’ail, Déshabillez l’ail, maintenant tout de suite, Allez vite, Sachez le posséder, le consommer » … C’est parti : on appuie avec la partie plate de la lame d’un couteau sur la gousse jusqu’au « crac » ; la tunique nacrée s’enlève alors toute seule pour se fixer à vos doigts. Une fois débarrassée de cette collante peau, on coupe la gousse en deux et on ôte le germe. Un presse-ail pour la suite ? hors de question ! Le plaisir réside justement dans la découpe méticuleuse de minuscules bouts d’ail et, selon les recettes, de leur écrasement avec le plat du couteau ; "smach, smach". Après ça, vous aurez beau laver et laver vos menottes, vous avez les doigts aillés pour la journée !

L’ail se désintègre en quelques secondes quand vous le passez sur une tranche de pain grillé ; vous n’avez plus qu’à disposer les tomates, l’huile d’olive et les herbes aromatiques pour un délicieux apéritif d’été. Un petit tour de plat avec une demi-gousse et voilà ce roi de la cuisine méridionale qui aromatise nos plats régionaux, fondue savoyarde ou gratin dauphinois. Et que serait l’escargot de Bourgogne sans son beurre et la bouillabaisse marseillaise sans sa rouille…

Mais les ails, que dis-je, les aulx, ne s’arrêtent pas là.

Nus et entiers, ils croquent sous la dent dès qu’ils sortent de leur marinade d’huile d’olive.

Habillés de leur chemise, ils fondent dans la bouche, confits de jus de viande.

Et portés en tour de cou, ils repoussent les vampires, le diable, les sorcières, les zombies, … si seulement l’ail pouvait faire fuir les imbéciles, ça serait vraiment un aliment m-ail-gique !

 

Nature morte @Edouard Manet 1861


J't'emmène en balade dans mon panier à salade

« 🎵 Allez viens, je t’emmène en balade, dans mon panier, mon panier à salade, tu trouveras du vin rouge et des camarades,… de l’amour et des engueulades, la Libertad… ».

Mais comment un panier à salade peut à la fois désigner une essoreuse de verdure et un véhicule de police ? Tout simplement car les fourgons, alors constitués de parois à claire-voie ou de grillage, rappelaient le récipient du même nom et les prisonniers, secoués à l’intérieur par la conduite sur pavé, ressentaient vaguement les effets de l’essorage sur la salade.

 

A l’origine, les paniers à salade étaient fabriqués en osier tressé. C’est vers 1830 qu’ils commencent à être fabriqués en fil de fer. Ils ressemblent alors à des boules de grillage avec une ou deux poignées.

Le panier à salade Combrichon et la centrifugation font leur apparition ; « Tournicoti, Tournicoton, essorons ! » :

tenu à bout de bras et mis en mouvement, c’est la force centrifuge qui retient la salade fraichement lavée à l'intérieur tandis que les gouttelettes d’eau sont évacuées à l'extérieur. Mais gare à la bérézina de la batavia quand ton balancier tu arrêteras !

Puis vers 1970, le nombre de cas de déboitement d’épaule en secouant son panier depuis son balcon du 8ème étage diminue drastiquement : l’essoreuse en plastique a fait son apparition.  Il n’y a plus, aujourd’hui, qu’à tourner une manivelle, tirer sur une ficelle ou appuyer sur un bouton pour essorer nos précieuses salades, ou, comble de la facilité, acheter des sachets de salades déjà lavées et essorées…

Mais si, par malheur, l’essoreuse venait à fondre suite à un mauvais placement sur plaques de cuisson ou si il n’y avait aucun ustensile dans la location de vacances, "🎵 Ne pleure pas, non, ne pleure pas, tu as toujours les torchons d’autrefois" ! Tenus par les 4 coins et balancés de haut en bas, ils essoreront parfaitement chagrin et verdure. Et ce ne sont pas des salades !

 

Photo @inconnu 

Il n'y a pas d’heure pour le Burger

Il y a quelques plats très simples qui ne sont jamais aussi bons que dans les restaurants : le hamburger et les frites qui l’accompagnent en font partie.

Mais pour commencer, remettons les choses à leur place : après des débuts quasi crus dans les steppes d’Asie centrale au 12ème siècle, le hamburger quasi-cuit est finalement attribué à l’Allemagne au 18ème… C’est une spécialité culinaire de viande de bœuf servie dans un pain brioché de Hambourg. Ça pose quelques principes de cuisine de base : il doit y avoir à minima du pain et du steak !

Alors à celles et ceux qui commandent un hamburger sans pain et/ou un hamburger végétarien, je dis « ô rage, ô désespoir, … N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie !». Respectons les mets et leur appellation que diable !

Quand ils le voient débarquer sur le continent au 19ème siècle, les américains ajoutent quelques ingrédients afin de pouvoir avaler ce sandwich au steak un tant soit peu bourratif : crudités, cornichons, sauces puis bacon, fromage et frites. Depuis gourmets et grands chefs se sont penchés sur la question et tous les ingrédients ont été « hamburgerisés » : foie gras, homard, tofu, chou Kale, et même panais, …

Car le burger et les fast-foods qui le vendent sont décriés : il est trop gras, trop protéique, trop sucré, trop salé. C’est le symbole de la mal bouffe…

« 🎵 Et pourtant et pourtant, je n’aime que toi. Et pourtant… » Car y-a-t-il un meilleur souvenir que le cheeseburger bacon dévoré en sortie de boite de nuit au camion ou au boui-boui du coin ? Il était sans doute mauvais mais le souvenir est tellement exceptionnel que le goût du hamburger l’est aussi ! 

 

Sculpture @ Song Wei, 2010-2013


la fondue aux fromages

La fondue c'est un joyeux bazar convivial où rien n'est laissé au hasard : il faut faire des huit pour la préparer, utiliser tels ou tels fromages, boire du vin blanc pour la digérer et "le premier qui fait tomber son pain dans la fondue a un gage"!

Mythe ou réalité, devenons incollables sur cette colle fromagère.

Alors la fondue savoyarde, c'est suisse ou bien?

Mettons tout le monde d'accord : c'est grec!

Dans l'Iliade, Homère évoque un mets revigorant composé de fromage de chèvre rapé, de vin et de farine. C'est au XVII siècle dans un manuel zurichois que la recette qui ressemble de près à la Moitié-Moitié (moitié gruyère, moitié vacherin fribourgeois) fait son apparition mais elle est préparée à l'eau. Le français Vincent La Chapelle ajoute du vin et de l'ail dès 1742.

Si l'origine helvétique de la fondue est donc fondée, sa composition dépend de la région.

Toutes les recettes contiennent de l'ail, du vin blanc, de la fécule et de bons fromages ; mais lesquels? "🎵 Ah Mesdames voilà du bon fromage, voilà du bon fromage au lait, il est du pays de celui qui l'a fait… "

Franc-Comtois, Savoyards et Suisses n'arriveront jamais à se mettre d'accord sur ce point. Prenons donc le meilleur de chacun : 1/3 de Comté, 1/3 de Beaufort et 1/3 de Vacherin fribourgeois.

Après, à vos déclinaisons : cèpes, tomates, fines herbes ou même crème chantilly.

La singularité de ce plat, c'est l'évolution des goûts et des senteurs tout au long de sa préparation. Le parfum de l'ail est le premier au fond du caquelon, suivi de près par les effluves du vin blanc. Ensuite les senteurs de fromage font leur apparition et couvrent tous les autres parfums. Très liquide au début il faut plusieurs huit avec une spatule pour que tous les ingrédients se mélangent et forment une fondue parfaitement onctueuse. On allume le réchaud, l'odeur d'alcool, à brûler cette fois, réapparait et se mélange à tous les arômes présents.

Pain, vin, fondue ; pain vin fondue, on est repus… Et soudain, on se bat pour la "religieuse", ce petit délice croquant et odorant de fromage grillé qui s'est formé au fond du caquelon.

Bon appétit à tous!

 

peinture @Alper Dostal 2017


L'éplucheur épluché

Il nous agace quand il est mal affuté ; il nous ravit quand nous arrivons à obtenir une seule et longue pelure… L’éplucheur, le seul couteau qui ne coupe pas, est incontournable en cuisine.

Traditionnellement l'épluchage se faisait au petit couteau. Heureusement, grâce au génie de deux hommes, finie la perte de matière et de temps : l’épluche-légumes est créé.

Deux formes, deux pays, deux inventeurs, deux marques s'affrontent depuis leurs créations : l'Économe et le Rex.

L'Econome, inventé en France en 1929 à Thiers par M. Pouzet, consiste en un simple couteau à lame creuse et fixe qui permet d’obtenir des épluchures calibrées et un gain de rapidité. Son nom est d'une logique implacable : puisqu'il y a moins de gaspillage, on fait des économies !

Le deuxième est le Rex. Sorte de rasoir à légumes, son manche en forme de U se prolonge par une lame articulée transversale. Créé en suisse en 1947, son inventeur M. Neweczerzala eut la gentillesse de ne pas donner son nom à son invention… Mais pourquoi l'appeler Rex alors ?  Peut-être l'a-t-il nommé comme son chien qu'il perdait et retrouvait constamment, comme l’épluche-légumes au fond du tiroir ; "T'es où Rex? Viens ici Rex ! Ah ben te voilà Rex".

Eplucheurs à lame fixe, mobile ou ciselée, chaque légume et fruit a maintenant son modèle : pour peau épaisse, délicate, fine, pour tomates, melons, asperges ; ils conviennent à tous: gauchers, droitiers et même fainéants avec le modèle à manivelle, électrique ou non. Les machines éplucheuses industrielles ont-elles signer la fin de la corvée de patates ?

Que nenni, et ce n'est pas la team de chez Maxim's, friterie belge moins connue que son homonyme parisien qui dira le contraire. Elle détient le record de vitesse de l'épluchage : 522,8 kg de patates épluchés par 5 personnes en 1h. Ça fait tout de même 1,74kg de patates par minute et par homme.

Autant vous dire que la cadence du "shric-shric" n'est pas la même que pour le détenteur du record de la plus longue épluchure de pomme de terre (2m83).

Allez hop, "🎵 La vie est une corvée de patates" ! Que vous soyez rapide ou minutieux, y’a des records à faire sauter !!

 

Huile sur toile @Fourgeron 1947


Croissants

Le croissant est, avec le soleil, l'un des plus vieux symboles de l'humanité ; il apparaît depuis l'an 3500 avant JC… Il évoque la renaissance, l'immortalité, la féminité même… Mais ne tergiversons pas : il symbolise surtout le petit-déjeuner à la française !

Aaaah le croustillant du feuilletage, le cœur gourmand et fondant et ce petit goût de noisette… "🎵 Ramène les croissants avant que je m'évanouisse, ramène les croissants avant que je meure… je sens que mon corps manque de beurre".

Mais un mythe s'effondre encore : le croissant n’est pas originaire de l’Hexagone !

Si certains lui confèrent des racines assyriennes ou perses, la légende autrichienne reste la plus savoureuse : En 1683, les turcs assiègent Vienne. Rusés, ils tentent de pénétrer dans la capitale par des souterrains. Mais les boulangers viennois, attelés à leurs fourneaux dès l’aube, perçoivent les bruits de pioches et donnent l’alerte.

Pour célébrer cette victoire, les boulangers décident de confectionner un petit pain en forme de croissant, référence visuelle à l’ennemi turc repoussé.

Marie-Antoinette, cette fine gourmette, introduit le croissant en 1770 à la cour de France. A cette époque, cette viennoiserie, référence à son origine, n'est qu'une pâte à pain améliorée et roborative. Le croissant au beurre, léger et feuilleté, tel qu'on l’aime, a été créé vers 1920 par, par par ??? Les parisiens bien sûr. Quand c'est bon, léger et délicat, c'est frrrrrançais !

Depuis, certains le sacrifient en le préparant à base de pâte congelée (bof) ou en utilisant de la margarine (beurk). Certains le réinventent, à l'amande, au jambon et fromage, à l'ispahan même (miam). Et d'autres le consacrent : Coupe du monde de boulangerie ou Championnat de France de croissant élisent régulièrement le grand vainqueur des croissants au beurre (hourra).

Adepte de la trempette dans le café, le thé ou le chocolat, ou plutôt amateur de fourrage au miel ou à la confiture, nos besoins en croissant (nom masculin) vont croissant (participe présent de croître et non relié à la forme recourbée de notre viennoiserie nationale), crois-en (rien à voir mais il s’en est fallu d’un s…) mon expérience !

 

Œuvre @Chloe Wise 2015


Le mystère des blancs d'œufs

Que d'interrogations autour de cet ingrédient : 

- Son nom d'abord. Il est visqueux, glaireux même, mais à moins que nous ne le cuisions ou l'émulsionnions, le blanc d'œuf n'est pas blanc, il est jaunasse.

- Sa découverte ensuite. " 🎵 Qui a eu cette idée folle, un jour d'le casser dans l'bol"…   Quel être humain a eu cet éclair de génie: casser un œuf et séparer le jaune du "jaunasse" donc. Et est-ce le même qui a eu la seconde idée brillante de plonger un outil dans cet ingrédient visqueux et de le battre assez longtemps - et à la main, c’est vraiment assez longtemps - de passer outre la douleur musculaire engendrée par ce long battage et, sans nul doute, les phases où cette mousse s’est affaissée pour que les “ jaunasses“ d'œufs s'émulsionnent et deviennent de superbes blancs en neige…

On a une réponse pour le Qui : c'est un certain Anthime, médecin byzantin au 6ème siècle qui évoque le premier les blancs en neige.

Mais concernant le Pourquoi, le mystère des blancs d'œufs reste entier… On imagine la surprise d’Anthime en découvrant un ingrédient dont le volume grossit sous l'effet du battage. A-t-il compris que l'outil utilisé, sans doute l’ancêtre de la fourchette, faisait entrer les bulles d’air dans le liquide ? Et surtout savait-il à l'époque qu'il venait de transformer l'air en dessert ?

Car des œufs montés en neige à la délicieuse île flottante, il n'y a que quelques grammes de sucre,  un pochage rapide, quelques bouts de pralin et une crème anglaise succulente.

Cuisez-les au four, ajoutez-y ou non un colorant de dingue et vous obtenez une explosive meringue.

Mélangez-les à de l’amande et du chocolat et vous voilà avec une onctueuse Reine de Saba.

En mousse ou en soufflé, sucrés ou salés, vous dégustez leur légèreté.

Quant aux Financiers, Rochers coco, tuiles aux amandes et autres langues de chat, ils ne seraient pas sur nos tables sans cet ingrédient incomparable.

Cette chronique serait incomplète sans évoquer les cocktails qu’ils permettent … les pisco sour de la taberna Queirolo de Lima se rappellent encore à moi !

 

photo @ Brest Brest Brest 2012